La prise d’otage des familles, le racket organisé de la Sécu et la guerre d’égos
J’ai toujours essayé de rester neutre, voire indulgente envers le système français au sujet du handicap. J’ai même eu l’humilité de penser que je n’étais pas toujours très impartiale et que ma maigre expérience en la matière ne m’autorisait pas un jugement sévère envers les aberrations que nous observons.
Mon optimisme à toute épreuve a même souvent rattrapé mon agacement, me sermonnant quand je me laissais aller à râler ou à critiquer un système qui me paraît parfois sans aucun bon sens, et qui m’épuise de jour en jour. A chaque victoire administrative, je m’auto disputais, en me rappelant que « finalement, tu vois, tout s’arrange. Ce n’est pas si terrible ».
Oui mais à quel prix ? Avec quelle énergie dépensée, avec combien d’heures passées à rechercher, argumenter, renseigner, compléter des formulaires, ré-expliquer, se justifier, s’excuser, téléphoner, recommencer…
Et finalement, j’ai décidé de dire la vérité, notre réalité, notre quotidien, tel que nous l’endurons. Tant pis pour ma bonne humeur, tant pis pour tous ceux qui se sentent visés et qui auront raison. Ceux qui ne se fâcheront pas, thérapeutes de tout ordre, professionnels souvent impuissants et pourtant tellement de bonne volonté… à vous qui lisez ces lignes, veuillez m’excuser. Vous avez souvent un mot encourageant, un regard compatissant, une action aidante, et je vous en remercie, grâce à vous, nous tenons bon contre la pensée unique des autres. Et je sais que vous n’avez que trop rarement le pouvoir de vous ériger contre le mastodonte du système administratif et de santé.
Il aura fallu un cumul de sabotages psychologiques pour que je dénonce ici tout ce qui va suivre.
Quand on vous annonce que votre enfant ne fera rien de son corps, imaginez quelle énergie il vous faut pour croire le contraire. Imaginez quelle puissance de volonté il faut pour refuser ce que les blouses blanches vous donnent comme une fatalité scientifique. Alors quand nous avons décidé de tout essayer, de se donner le droit d’espérer, d’expérimenter tous les possibles, je ne pensais pas me heurter à des guerres égotiques, venant de médecins, ces personnes qui sont supposées nous aider, nous accompagner, nous soutenir. Et quand les résultats dépassent nos timides espoirs, comment comprendre que des hauts placés en blouse blanche, sous prétexte que ces méthodes ne sont pas conventionnelles, ne sont pas reconnues par la France, nous érigent des murs, lèvent des boucliers, et nous empêchent tout simplement d’être libres de choisir pour notre enfant. Alors quoi ? ça vous fait peur qu’une thérapie ou une façon de travailler donne plus de résultat que tout ce qui est considéré comme établi ? Le résultat existe, et l’enfant n’est pas maltraité. Est-ce dérangeant à ce point d’admettre qu’une autre forme de pensée peut aider des enfants à se tenir debout ? Quel est l’affront ?
Évidemment, ces mêmes professionnels nous ont abreuvé d’ordonnances d’appareillages que je n’avais pas demandés, que j’ai fait faire en confiance “parce qu’ils sont médecins, ils savent ce qui est bon pour mon fils”, et qu’on n’a jamais pu utiliser. Parce que ce n’était pas adapté à Soan, parce qu’il avait besoin d’autre chose. Quand j’ai demandé une petite chaise, certaine qu’il était prêt à tenir assis, on m’a prescrit un trotte-moto qu’il n’a jamais pu utiliser. Quand je demande une catégorie d’attelles, on m’en prescrit un autre modèle, sans tenir compte de mes arguments, que celles qui m’intéressent lui permettent de continuer Medeck. Ahhhh, parlons-en de Medeck. Le voilà le Gros Mot. Tout est bon pour nous empêcher de faire Medeck. Oui je vous dénonce publiquement, vous qui jugez que donner un peu d’autonomie à des enfants que vous condamnez à rester en fauteuil est un crime. Vous qui avez des grilles d’âge, de poids, et autres statistiques qui ne s’appliqueront jamais à des enfants différents du standard et différents entre eux, même s’ils portent le même handicap. “On doit respecter le rythme de l’enfant m’a-t-on dit”. Sauf que mon enfant, si on le laisse progresser à son rythme, sera toute sa vie allongé sur le dos.
Je me demande parfois jusqu’à quel point, les médecins qui refusent de nous écouter et nous arrosent d’appareillages tous plus chers les uns que les autres ne sont pas de mèche avec les professionnels orthoprothésistes. L’argent de la sécurité sociale est allégrement dépensé sans scrupule (quand les familles n’ont pas, en sus, une partie à payer de leur poche).
Il y a les appareillages qu’on nous a imposés sans écouter nos besoins, après une consultation annuelle d’une heure. Il y a les appareilleurs quasi-imposés, qui bâclent les mesures, et qui imposent aux familles plusieurs réajustements faute de qualité ou encore une fois d’écoute du besoin des parents. Suite à une prestation déplorable d’un appareilleur imposé, nous avons décidé la fois d’après de choisir notre propre professionnel. Et oui, c’est le droit des familles de choisir leurs professionnels. Sauf que là où il est très facile et rapide de faire un appareillage quand on passe par le cursus imposé et scandaleusement lucratif, ça devient le parcours du combattant pour obtenir juste l’ordonnance qui nous est dûe pour faire nous-même l’appareillage.
Combien de familles n’ont plus le courage de se battre pour l’autodétermination, ce droit de choisir pour soi-même ou pour son enfant. Ce droit d’être écouté, d’être conseillé, et de construire ensemble le meilleur avenir. Le droit d’essayer autre chose, d’expérimenter. Le droit d’y croire. Le droit d’avoir encore des espoirs et des rêves pour notre fils.
Ce droit est bafoué par un monopole de médecins, qui se croient au dessus des parents, et qui sont malheureusement incontournables.
Le scandale légal de la MDPH
La MDPH, le scandale sous silence.
MDPH signifie Maison Départementale de Personnes Handicapées. C’est une structure publique qui reçoit les dossiers que nous devons envoyer pour quémander une aide, une carte de stationnement, un droit d’entrée en établissement, un justificatif de pourcentage de handicap (oui vous avez bien lu, il y a des gens derrière un bureau qui décident du pourcentage de handicap à la lecture de votre dossier et ce pourcentage impacte intimement votre vie, les droits que vous obtiendrez d’entrée dans des établissements, de débloquer des fonds, et autres subtilités vicieuses comme le droit à la retraite).
Un dossier MDPH contient une quarantaine de pages, auxquelles s’ajoutent un volet constitué par un médecin référent, et des dizaines de justificatifs en tout genre. Tout cela demande plusieurs soirées de travail. La demande doit être claire, argumentée, justifiée, calculée et complète, faute d’être relancée dans un circuit de complément de dossier.
La MDPH est le pendant administratif du monopole médical. Ils décident de ce que vous avez le droit d’obtenir. Jusque là, la démarche semble logique.
Quand il faut attendre 3 mois pour avoir un accusé de réception de notre dossier, et 8 à 9 mois pour une réponse à ce dossier, autant dire que le délai de traitement est purement scandaleux. Quand on imagine qu’un besoin peut changer d’un mois à l’autre avec un enfant handicapé, les délais sont indécents. Quand on perd un emploi pour s’occuper de son enfant et qu’il faut 1 an pour obtenir une aide, quand on a besoin d’une notification pour intégrer un établissement spécialisé et qu’on ne l’obtient qu’un an après… on en perd sa foi en notre belle France.
On comprend bien que le système administratif n’a pas assez de moyens pour traiter les dossiers puisqu’il faut donc sans exagérer 9 mois pour recevoir une réponse à une demande. Alors pourquoi avec ce manque de ressources on nous demande de refaire le même dossier tous les ans ? Depuis quand une trisomie peut-elle guérir ? Pourquoi faut-il chaque fois redonner le même bilan, remuer le couteau dans la plaie ? Non, mon enfant n’est pas miraculé, il n’a toujours pas guéri, il est toujours handicapé ! Lorsque nous oublions de donner assez de détails, alors on nous répond que notre enfant ne nécessite pas la présence de ses parents justifiant le temps partiel que nous avons pris.
Les bras m’en tombent. 8 mois pour me répondre ça. Et entre la date où j’ai reçu le courrier me proposant de monter un dossier de justification (qui m’a pris encore deux nuits, avec l’aide des thérapeutes qui ont répondu présents à ma demande urgente de devis), et la date à laquelle je devais renvoyer mon argumentaire, j’avais 5 jours. 5 jours pour quémander la prestation d’enfant handicapé nous permettant de vivre décemment, 5 jours pour établir un bloc de documents justificatifs alors que la MDPH a mis 8 mois pour m’envoyer un refus de prestation qui tenait sur un recto de feuille.
5 jours qui ne suffisent pas; ce qui doit permettre à l’État de faire des économies sur le dos de toutes les familles qui n’ont pas le temps de répondre.
5 jours qui ont fini de ternir l’image de la France, de l’administration, du système de santé et de tous les abus qui nous mettent genou à terre, nous, parents, enfants, couples, familles.
Alors quand en plus, à ma demande anticipée de participer à la commission qui traitera mon dossier (parce que c’est mon droit), je reçois une réponse du chargé de dossier la veille de ladite commission, m’indiquant que c’est trop tard, j’ai eu comme une subite envie d’écrire cet article ou de mettre le feu à la MDPH…
… et j’ai choisi d’écrire l’article 🙂