2023
Octobre : un groupe Whatsapp « Répit pour mes parents »
Papa et maman en ont parlé il y a longtemps. De plus en plus, m’emmener dans certains endroits devient compliqué. C’est vrai que mon rythme est un peu différent, ma mobilité aussi disons-le. Alors ils ne sortent plus, ils restent à la maison, faute d’énergie pour trouver quelqu’un pour me ou nous garder.
Je reconnais que j’ai une communication particulière, et qu’il faut un peu de manutention pour me déplacer, beaucoup de surveillance pour me sécuriser, énormément de patience pour me donner à manger…
Maman a dit qu’il leur faut aussi du répit de parents aidants. Beaucoup lui ont proposé de nous garder, mais elle n’avait jamais osé demander vraiment de l’aide. Aujourd’hui c’est fait. Un groupe Whatsapp a été créé, qui permettra, quand mes parents ont besoin d’une soirée, de demander si quelqu’un peut venir nous garder.
Bravo maman, tu as enfin réussi à demander de l’aide ! Je suis fier de toi.
Vous souhaitez rejoindre le groupe ? Cliquez sur le bouton ci-dessous 👇🏼
Aucune obligation de répondre présent ! Et chacun est libre de quitter le groupe quand il le souhaite. Chez nous, on ne veut pas que les gens se forcent.
Septembre: Un concert pour Soan
Un concert a été organisé le 24 septembre par mes parents à la jolie petite église de Jonage. Pour l’occasion, l’ensemble Fidelio dont font partie ma mamie et mon pépé a travaillé dur pour proposer un beau programme musical. Pour l’occasion, on a même eu un article dans le journal !
Tous les musiciens, mais aussi Yves DUGAS pour le prêt et l’installation du piano et l’enregistrement du concert ont offert leur temps et leur énergie à l’occasion de cet évènement.
Papa et maman se sont transformés en managers d’événement, ce qui semble les avoir épuisés ! Mais que c’était beauuuu ! Moi j’ai tout bien écouté et à la sortie, tout le monde est venu me toucher la tête. On me regardait, on me parlait de tout côté, c’était bien, même si je n’ai pas compris tout de suite l’objectif de tout ça.
Et puis maman a fait les comptes, parce que l’association doit être tenue avec rigueur. On n’a rien à cacher, alors on vous le dit, la recette du concert s’élève à 1500 euros. Merci tout le monde, musiciens, spectateurs, donateurs, organisateurs, bénévoles… enfin presque merci, parce que quand j’ai entendu maman annoncer avec joie “c’est génial, ça va permettre de financer 3 stages Medeck !” j’ai enfin compris que j’étais le Boui Boui de la farce !
Mais comme je ne vous en veux pas, parce que je suis sûr que vous avez été manipulés par maman (elle est très forte pour trouver tous les moyens de me faire continuer Medeck !), alors je vous partage le lien du concert qui a été filmé. A écouter pour les absents, et réécouter pour les présents.
Lourdes, la quête du miracle
Je ne saurais pas dire qui, de mes parents ou de moi a engendré cette idée saugrenue . Mes parents n’ayant foi qu’en eux, ils n’auraient jamais imaginé un tel voyage au cœur d’une ville si chargée de ferveur religieuse si je ne les avais pas poussés à dépasser tous les préjugés et croire en tout ce qui est possible.
D’un autre côté, moi je n’ai jamais demandé à aller me promener à Lourdes, encore moins me voir arroser les jambes avec l’eau bénite bien trop froide, sous prétexte qu’elle allait leur permettre un jour de marcher…
Maman ne recule devant rien. On a essayé beaucoup de choses, alors pourquoi pas demander un miracle ? Et en plus, on a dit « s’il te plait » !
Nous voilà partis, ma poussette déambulant au milieu des pèlerins en prière. Tout d’abord, on m’a demandé de toucher les parois de la grotte. Puis on est allés allumer des grands cierges. Ah, ça les bougies, ça me plait beaucoup ! Si maman n’avait pas maintenu mes petites mains tout agitées, j’aurais mis le feu à Lourdes.
Ensuite, c’est là que c’était moins drôle, on m’a arrosé la tête et les pieds avec l’eau bénite. Quitte à être bénite, j’aurais préféré qu’elle soit un peu tiède. La journée est vite passée. Pendant tout ce temps, j’entendais les prières dans la tête de maman qui disait “Bon je sais que je ne suis pas croyante, mais quand même, pour mon petit ange qui n’a rien demandé, qui est tout pur, et qui m’a été envoyé tel un oiseau blessé, s’il vous plaît, un miracle pour qu’il marche”.
Et maintenant, on attend que la magie opère… même si comme a dit tata Gene qui nous a accompagnés, « le premier miracle a eu lieu, c’est d’avoir amené tes parents jusque là ! »
Juillet: Soan à la montagne
J’avais pensé à Martine à la montagne comme titre, mais comme je ne m’appelle pas Martine…
Nous sommes partis une semaine à la montagne. Moi ça me plaît, parce que j’adore les promenades, regarder les feuilles des arbres bouger, respirer le bon air, observer la vie en extérieur… mais aussi parce que en vacances, on n’a pas tout le nécessaire pour travailler et donc ce sont aussi mes vacances, sans exercices (ou presque, vous connaissez maman).
Ce que je ne vous ai pas raconté, c’est que lors de précédentes vacances à la montagne, ma poussette de compet’ (la grosse machine à promener) est tombée dans un ravin de 20 mètres et s’est écrasée au bord du torrent en contrebas. Maman n’avait pas mis le frein, croyant le terrain plat, et pendant qu’elle me prenait dans ses bras pour une photo, la poussette s’est littéralement fracassée sur les rochers.
J’aurais été content si ça avait été les attelles par exemple, mais ma poussette de compet’, la seule dans laquelle je peux me promener, mon fauteuil roulant pour enfant quoi, celle qui me sert de jambes, dans laquelle je ne fais pas d’exercices… ça a été un drame.
Bref, la poussette remontée, on a constaté que le châssis était brisé. heureusement le magasin spécialisé qui nous l’a vendue a pu la réparer pour la modique somme de 2600 euros. Mais surtout, avec les pénuries de pièces, on a dû attendre la veille de notre départ à la montagne pour la récupérer, après 3 mois d’attente.
Les vacances avec moi, c’est un peu plus qu’une organisation, c’est un défi ! Il faut penser à tout, les barrières de lit parce que je tombe, la pharmacie spéciale pour enfant spécial, les vêtements de rechange pour enfant qui se salit, les verres et biberons pour chaque liquide, les aliments protéinés, les objets fétiches pour s’endormir, les bavoirs en quantité parce que j’ai un gène limace, un réhausseur pour les repas parce que le corset siège ne rentrait pas dans la voiture… tout ce qui fait qu’avec un enfant classique on s’adapte, mais pas avec moi. Parce que moi je suis spécial, et je le rappelle à mes parents tous les jours.
Une fois que la voiture a été chargée à la façon Tetris pour les pros, on a pu partir.
Dès qu’on est arrivés, il a fallu de nouveau trouver une organisation. J’ai passé la première nuit dans la même chambre que mon frère, et quand maman a trouvé Sacha dans mon lit à 7h du matin le lendemain, elle a décidé que je passerai mes insomnies tout seul dans le salon. Je ne vois pas le problème moi, gazouiller à toute heure dans la nuit et au petit matin, réveiller Sacha et qu’il vienne jouer avec moi dans mon lit je trouvais ça plutôt sympa.
Donc on a réaménagé le salon pour que mon matelas y trouve sa place.
Quant aux randonnées, il a fallu trier et ne garder que celles accessibles en poussette de compet’. Parce qu’elle est bien ma poussette mais quand même c’est pas non plus un 4×4 du rallye des gazelles. Evidemment, comme je ne sais toujours pas macher, les pique-niques se sont transformés en gros goûters pour moi. Puisqu’il n’y a pas de micro-onde en haut des montagnes, j’ai pique-niqué des compotes et yaourts.
Pour le reste c’était magique. Quand on a passé tous ces menus détails, il ne restait que le bon air pur, les promenades ensemble, la beauté des paysages, et l’amour de mes parents.
La montagne ça vous gagne, même avec un Emanuel Syndrome !
Juin : premières journées en IME
Le jour où maman a reçu le mail de l’IME proposant de me recevoir les 4 vendredis de juin, c’est comme si elle avait gagné l’euromillion. Le premier vendredi elle m’a accompagné.
Le petit bus est venu nous chercher en premier, ce qui fait que j’ai fait 1h30 de route. Puis on m’a accueilli comme un petit prince. Tout le monde était gentil, mais je cherchais maman des yeux. Parfois quelques larmes montaient et maman me rassurait. Puis on a eu une maîtresse. On nous a tous mis en ligne face au tableau et on a bien écouté et regardé la maîtresse.
Maman s’était assise dans un coin, pour me laisser faire connaissance comme un grand avec l’équipe, avec le lieu, les autres enfants. A midi, j’ai fait du charme à Valérie qui me donnait la cuillère. J’ai bien tenté de dire non à la moitié du plat pour passer direct à la compote mais maman a surgi de je ne sais où pour me rappeler que le coup du charme attendrait un peu. J’avais oublié qu’elle me surveillait depuis son petit coin…
Quand je suis remonté dans le petit bus, j’étais si fatigué que j’ai dormi presque tout le retour.
Ca m’a demandé beaucoup d’énergie toute cette nouveauté. Et j’ai bien senti que maman aussi avait été un peu chamboulée. L’IME, c’est tellement différent de la crèche. Mes petits copains qui se roulent sur moi n’étaient pas là. Je n’ai pas compris. Les autres enfants ne venaient pas m’apporter des jouets.
Papa a vu maman un peu triste et comme elle est devenue un peu poule, ou plutôt carrément louve, il a voulu comprendre. Alors le deuxième vendredi il a pu venir avec moi le matin.
Les 3ème et 4ème vendredis je suis parti tout seul. Maman m’a bien attaché dans le petit bus. Heureusement, Rolland le chauffeur est très gentil, mais j’ai trouvé maman bizarre quand elle m’a dit que ça allait bien se passer.
Maman elle est solide d’habitude, mais depuis l’IME, elle est devenue plus chamallow, elle me serre contre elle en disant que je suis encore si petit… alors j’essaie de l’attendrir quand je ne veux pas travailler, on sait jamais, sur un malentendu… mais bon, fallait pas trop rêver non plus.
Spectacle des Bouffes Lyonnais
Ce dimanche de juin, la troupe des Bouffes Lyonnais accompagnée au piano par mamie ont donné un spectacle au profit de l’association. J’étais là, et j’étais bien heureux quand les spectateurs applaudissaient.
C’était un beau spectacle suivi d’un apéritif dans le jardin. Tout le monde venait me voir, et moi j’ai été bien sage. Maintenant, je suis habitué à voir du monde, je me sociabilise. Je suis un petit mondain !
Merci toute la troupe, merci Mamie, et merci à tous les généreux spectateurs !
tranches de rire
Ce n’est pas parce que je ne sais pas parler que je n’ai pas d’émotions. Je ne comprends pas tous vos mots et je n’en dis aucun. Mais je comprends vos sourires, vos yeux en colère, le ton de votre voix, votre posture, et surtout je cherche partout avec mes petits yeux bleus des signes d’amour, de paix, d’encouragements.
Et parfois, en famille, tout s’anime. Le soir, quand la pression retombe, on joue, on décompresse, et parfois, je prends des fous rires.
Juin: Bonnes vacances Zoé !
Zoé c’est une de mes kinés. Ça fait longtemps maintenant qu’on se connaît. L’autre kiné avec qui je travaille aussi depuis longtemps s’appelle Jessica. C’est pas très pratique pour moi, car Jessica et Zoé travaillent au même cabinet. Je ne peux donc pas trop filouter, comme je le ferais si elles ne se connaissaient pas. Parce qu’elles se parlent et je suis démasqué…
Zoé a beaucoup de travail et elle prend plusieurs mois de vacances cet été pour se reposer. C’est une bonne idée dont j’avais espéré profiter mais c’était sans compter sur Jessica qui va la remplacer un peu. Donc les vacances de Zoé ne sont pas synonymes de repos pour moi. Raté.
Zoé a dit à mon papa, qui l’a répété à ma maman (et c’est là que ça se complique donc) qu’à la rentrée, j’allais tenir debout tout seul, juste en me tenant à la table.
Imaginez comme ça a boosté maman pour me faire travailler deux fois plus, juste pour donner raison à Zoé ! Parce que maman, elle y croit à ce que disent Zoé et Jessica…
La Boui Boui boutique !
Je vous présente ma boutique médicale. Chez nous c’est devenu un véritable magasin d’appareils spécialisés. On alterne entre l’un ou l’autre selon le temps qu’on a, les besoins… Chacun d’entre eux a nécessité des mois de prise de mesure, d’ajustement, de détails, d’options… tout est méticuleusement pensé et mesuré pour moi.
Vous trouverez de gauche à droite:
- Le corset siège, mon meilleur ami. Il me suit partout, à la maison, à la crèche, en sortie chez des amis. Il me permet d’être assis dans une bonne position pour mes hanches et mon dos, et en sécurité avec les ceintures. Il me permet d’être assis à table avec ma famille lors des repas. Il roule donc j’ai souvent l’impression à la maison d’être le galet d’une partie de curling. on me pousse d’un côté, puis on m’envoie d’un autre…
- Ma poussette de compétition, l’équivalent du fauteuil roulant pour les tout petits. Elle est très lourde, encombrante mais hyper confortable. On peut partir des heures en balade, et comme j’adore être dehors, dès qu’on me met dedans, je crie de joie.
- Le verticalisateur. Comme son nom l’indique, c’est pour me verticaliser. Ca ressemble à un engin de torture mais en fait je m’y plais bien, à condition que je ne m’ennuie pas.
- La poussette canne Mac Laren. Elle paie pas de mine comme ça mais comme elle est d’une solidité particulière pour transporter les enfants handicapés, elle coûte la bagatelle de 830 euros à elle seule. C’est une Mac Laren, normal 🙂 Mais elle est très pratique pour les petits trajets ou les rendez-vous et elle a sauvé le dos de maman.
- Le motilo, ou la moto de Soso ! quand on m’enfile là-dedans, il faut que je pousse avec mes pieds pour avancer. J’ai pas encore tout compris.
- Devant c’est la petite chaise pour des jeux plus près du sol. Et dessus ce sont les atelles pour les exercices Medeck.
Tout ça rien que pour moi. Parce que je le vaux bien.
Mai: Attention les yeux !
On ne vous raconte pas tout, et heureusement. Mais les rendez-vous s’enchaînent et à chaque fois, on part sans savoir quelle émotion nous submergera au sortir de la consultation. Parce qu’on n’a pas le choix, qu’il faut surveiller, anticiper, guérir ou prévenir, chaque rendez-vous s’impose.
Il y a deux ans, rappelez-vous, quand mes parents venaient de mettre un nom sur ma différence, ils étaient sortis du service génétique avec une ramette d’ordonnances, dont une échographie du cœur. Nous voici 2 ans plus tard, et il faut recommencer, car tout est impermanence et mon cœur même s’il est pur, pourrait bien aussi nous surprendre.
C’est papa qui s’y est collé. Il a dû changer d’hôpital pour avoir le meilleur cardiologue. Et surprise ! Tout va bien. Pour cette fois-ci, l’émotion était au soulagement, à la reconnaissance.
Maman elle, elle m’a emmené chez l’ophtalmo. D’abord il a fallu mettre des gouttes, pour faire un fond de l’œil parce que j’allais pas dire si je vois bien le F ou le D. Bah non…. vous savez bien… je sais pas lire, ni parler d’ailleurs !
Avec ce produit, mes beaux yeux bleus sont restés tout noirs pendant presque deux jours. Et puis la dame elle a dit qu’il me faut des lunettes ! je crois que l’émotion de maman à ce moment-là était bien moins sympa. Elle m’a regardé l’air de dire “on n’est pas sortis d’affaires”.
Elle a essayé de négocier pour savoir si vraiment vraiment vraiment, il fallait que je porte des lunettes… non parce que ça fait 3 ans je j’arrache tout ce qui se pose sur ma tête ou sur mon nez.
Le sketch a commencé chez l’opticienne. Non mais c’est quoi cette histoire de me faire essayer des trucs sur le museau. J’ai tout arraché, j’ai crié, j’ai secoué la tête. Voilà, vous êtes prévenus, il n’est pas question qu’on enlaidisse mes beaux yeux bleus avec vos lorgnons de président.
Et puisqu’ils n’ont pas compris, et que donc, j’ai une paire de lunettes, et bien je la jette par terre dès qu’on me la met sur le nez.
Avril: Mes premiers pas assistés
Allez, je vous montre mais attention, que personne ne s’emballe. C’est pas parce que je tente d’y arriver que j’ai décidé de signer pour le travail forcé… rien n’est écrit. Maman elle dit que mes progrès ne lui assurent pas que je marcherai un jour mais lui donnent l’espoir que c’est possible.
et vous connaissez la citation de Mark Twain (oui je suis cultivé pour un enfant de 3 ans, je sais)
“Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait”
Avril : ça biorésone en moi !
Au-delà des thérapies et suivis médicaux conventionnels, j’expérimente de nombreuses thérapies “parallèles”. Puisque l’occident est très en retard sur tout ça (non on n’est pas langue de bois ici, les politiquement corrects passez votre chemin), on ne dira certainement pas que ça m’aide à progresser ou à réduire les symptômes. Non, on ne le dira pas… mais on a le droit de le penser 😋
Parmi tout ce qui n’est pas conventionnel donc, j’ai la chance d’être dans la patientèle du magicien (Philippe Matza) 🧙🏼♂️et de la magicienne (Chantal) 🧚🏼♀️ qui me reçoivent une fois par mois en 4 mains.
C’est toute une expédition. Maman vient me chercher plus tôt à la crèche et on roule pendant 1h45 avant d’arriver dans le petit coin de campagne au cabinet de médecine quantique pour un soin en biorésonance.
La définition sur internet présente la “biorésonance comme un concept utilisé en thérapie non conventionnelle, notamment en médecine quantique. Elle permettrait de faire des bilans de terrain, repérer éventuellement des « anomalies électromagnétiques » au sein des organes et de les rectifier en envoyant des signaux de très faible intensité.”
Chaque mois, mes cellules sont donc interrogées et ré-informées pour tourner un peu plus rond, ou un peu moins carré. En même temps, Chantal rééquilibre les énergies.
Vous en pensez ce que vous voulez, mais maman elle y croit car il se passe toujours quelque chose de mystique qui suit chaque rendez-vous, un progrès, une lumière, un avant et un après. Quant à moi, je dois dire que j’aime assez me prélasser sur la table d’examen sans rien faire d’autre qu’écouter tous ces adultes rêver des miracles que je vais faire et me répéter que je suis beau.
Il règne à ces rendez-vous un mélange d’espoir, de bonté, de foi et de curiosité qui suspend le temps.
Alors que la science admet volontiers qu’elle n’a pas encore tout compris, moi qui vit dans une autre dimension énergétique, je vous confirme que vous êtes loin de la réalité. Et c’est moi qu’on a estampillé d’handicapé😅 !
Mars : en mars fais ce qu’il te plait (parce que mai c’était trop loin)
Parce que c’est le printemps et parce que j’ai un rendez-vous important dans un IME la semaine prochaine, j’ai pris rendez-vous chez le coiffeur.
C’est difficile d’affirmer ses choix quand on a 3 ans. J’avais beau crier à chaque coup de brosse, maman ne voulait pas entendre parler de couper mes bouclettes de petit Prince blond. Même si je ressemblais à un certain Boris Johnson paraît-il…
Me voilà enfin au salon. Ma coiffeuse elle est magique. C’est pas pour lui faire de la pub mais il faut quand même le dire. Depuis ma toute première coupe, c’est elle qui prend soin de mes boucles. Avec un enfant comme moi, il faut faire vite.
Dans le salon on s’assoit dans des petites voiturettes et on regarde les dessins animés et en un rien de temps toutes les mèches tombent au sol… sous le regard désespéré de maman.
Mars: La MDPH ou l’aberration de l’administration
Juillet 2022 un dossier a été posté à la MDPH pour demander une notification d’entrée en IME. Pour faire court, on remplit 20 pages de dossier pour demander un papier donnant le droit de faire des dossiers dans les IME. Pour les novices l’IME c’est l’institut médico éducatif.
Obtenir une place en IME c’est le Graal. C’est l’assurance pour mes parents de pouvoir continuer à travailler, c’est l’assurance pour moi d’aller dans un établissement adapté, de grandir avec des soins et un suivi spécialisé.
C’est aussi entre 5 et 10 ans d’attente. Une place en IME c’est plus précieux qu’une pépite d’or, ça se mérite.
Alors quand on sait que c’est le parcours du combattant et que le délai d’attente est indécent, on a le droit de s’offusquer quand la MDPH met 9 mois juste pour statuer sur le droit d’avoir ce morceau de papier appelé « Notification » qui permet d’aller s’inscrire sur la longue liste d’attente des trop rares IME.
Et maintenant c’est parti, je vais mettre mon plus beau sourire pour aller postuler dans les IME 🙂
7 février 2023 : J’ai 3 ans !
Voilà ! c’est mon anniversaire. J’ai toujours ma petite tête d’ange mais j’ai grandi.
Février: Stage MEDECK. Rien ne les arrête !
Vous l’avez compris, mes parents se sont mis en tête de me voir debout. Donc je fais un stage MEDECK tous les 3 mois. Un stage c’est 2 séances d’une heure par jour pendant 4 jours.
La thérapeute a trouvé que j’avais progressé alors on m’a demandé d’aller encore plus loin, encore plus haut.
Maintenant j’ai de jolies petites atèles pour stabiliser mes chevilles. Je peux donc concentrer mes efforts sur l’équilibre et la tenue du buste, et bien sûr les petits pas sur mes petites cuisses de grenouilles. C’est dur. Entre chaque exercice maman me colle le museau dans ses bras, et on fait un câlin pour m’encourager.
Maman met tant d’espoirs à me voir debout. Elle dit que maintenant je suis trop lourd, qu’elle ne peut plus me porter. Moi je ne comprends pas tout ça. Dans ma tête je vis comme un ange, sans question, sans projection, sans organisation. Je vois juste que si j’arrive à faire quelques pas, elle répète qu’elle est fière de moi avec ses yeux qui pétillent. Alors j’essaie de recommencer.
Janvier: Fais l’bilan, calmement
Avec moi, ma famille ne s’ennuie pas. Ce sont les montagnes russes émotionnelles.
Septembre avec le stage Medeck : tous les espoirs sont de nouveau permis, le baromètre moral de maman est au top.
Novembre avec le deuxième stage Medeck plus près de la maison, ça a fini de booster mes parents.
22 novembre : miracle. Le chirurgien orthopédiste annonce que la dysplasie de hanche a disparu. Il n’a pas d’explication logique à tout ça. C’est pas grave, on prend quand même la bonne nouvelle.
Décembre : je ne me lève plus, je ne veux plus pousser sur mes jambes. Je grandis et je ne grossis pas. Alors que faire ? Je suis tout maigrichon. Ça aide pas pour l’entrainement physique qu’on me demande. S’il vous plait, j’ai besoin d’une pause thérapeutique ! C’est Noël, alors on m’accorde une semaine de vacances.
05 janvier: on m’emmène à l’hôpital, je ne comprends pas trop pourquoi je n’ai pas eu droit à mon biberon ce matin, j’ai faim. Et puis je me réveille, tout branché, comme une console de jeu. Maman me parle, je pleure. j’entends mieux, mais je pleure. Les dames sont très douces. Et on pousse mon lit à barreaux dans un petit box… j’ai déjà connu ça. J’ai de nouveaux diabolos dans les oreilles. Tout s’est bien passé. Je serai peut-être moins malade…
En Janvier, rien ne va plus. Maman s’inquiète de ma régression moteur. Elle se remet à fouiner pour trouver des réponses et surtout pour ne pas s’avouer vaincue. Maman, regarde-moi… je ne le fais pas exprès…
Et voilà, elle a trouvé ! Une thérapeute qui travaille sur l’intégration des réflexes archaïques.
Mais pour une fois, je rencontre une dame qui ne me demande pas de travailler. A son cabinet, ça sent bon, c’est calme, y’a des petits animaux partout dans la salle d’attente. Elle me parle, à moi. Elle me manipule avec des mouvements qui me font rire. Je suis bien. Et une nouvelle lumière s’est allumée dans mes yeux… et donc, dans ceux de maman…
2023: Le secret de papa et maman…
Vous vous demandez comment mes parents s’en sortent ? Ils ont certainement un secret. Mais au risque de vous décevoir, je ne le connais pas. Ce que je sais c’est que papa a soutenu maman quand elle n’avait plus la force. Maman a soutenu papa quand il était dans le doute. Ils se sont écoutés, ils se sont mis l’un et l’autre à la place de l’autre malgré que leurs difficultés et leurs inquiétudes soient différentes, à des moments différents.
Ils se sont humblement demandé de l’aide ou des conseils quand ils étaient dans le brouillard. Ils ont appris à observer l’autre, à respecter ses besoins, son fonctionnement, ses peurs. Ils ont mis le dialogue au milieu du champ de bataille, ils ont fait le vide autour d’eux de tout ce qui leur prenait de l’énergie inutile, ils ont su allier leurs forces quand il fallait être deux, et séparer les équipes quand il fallait se démultiplier.
Ils ont appris à compter sur les qualités de l’autre et accepter ses défauts. Ils ont entamé un marathon en mode relais. Ils ont développé bienveillance et non violence.
Alors oui, on vit comme tout le monde, avec des moments électriques, des tensions venues d’ailleurs ou de nous-mêmes. Parfois, l’un d’entre nous prend une balle perdue. C’est pas la faute de Sacha si je ne me mets pas debout, mais comme c’est lui qui a appuyé sur la gâchette en renversant son verre d’eau par inadvertance, il a pris la foudre de maman.
Oui des fois, on se moque un peu de moi, je le vois bien, mais c’est aussi le moyen de décompression qu’ils ont trouvé pour rire de tout, entre eux, entre nous.
Voilà, le secret c’est d’avoir su ouvrir le cœur de chacun d’entre nous, d’avoir déposé les armes au profit du dialogue et de l’harmonie, et de ne sacrifier personne.
Pour la magie et les miracles, c’est l’article suivant 😉
Les pensées de Soan sont magnifiques… Tellement bien écrites, à la fois chargées d’émotions, et parfois amusantes avec ses petites touches d’humour qui font sourire !
Vous êtes une famille exemplaire, c’est admirable tout ce que vous faites. Soan a beaucoup de chance de vous avoir, il vous le dit avec ses rires et son beau sourire.
Je vous embrasse. Pascale.
Les progrès sont tellement remarquables. Je suis admirative pour tous vos courages et vos belles pensées. Soan est heureux, ça se voit, et fait d’énormes efforts. Je me rends compte de toute la détermination et la persévérance qu’il vous faut à toi, Laurianne, et Fabien. Et je n’oublie pas Sacha qui a sa part de construction aussi. Gardez la foi, vous l’avez, c’est évident. Et tout plein de remerciements pour tout ce que vous faites, c’est magnifique. Je vous embrasse
Je vous savais volontaire, déterminé avec des hauts et des bas mais je suis toute bouleversée en lisant ce résumé de la vie de Sohan.
BRAVO. Si nous pouvons vous aider en quoi que ce soit Im et moi n hesitez pas. Bises à vous 4
Je suis toujours très émue quand je lis tes avancées, Soan, et toooouuuuuut ce que font ta maman et ton papa pour toi.
Je vous souhaite beaucoup d’énergie pour poursuivre vos efforts.
Merci pour tes encouragements Alexandra. Dans notre ascension, chaque pensée positive nous pousse à continuer.