Confessions intimes d’une place PMR

07-01-2024:

Cher journal,

Je t’écris à nouveau, submergée par mes sentiments, en tant que place de stationnement pour personnes à mobilité réduite (PMR). 

Jour après jour, je suis témoin des luttes, mais aussi des négligences, qui affectent non seulement mon existence mais surtout celle des personnes que je suis censée servir.

Ce matin, j’ai observé, impuissante, une voiture se garer sur moi sans la moindre carte de stationnement PMR. J’ai ressenti une profonde frustration, car ma raison d’être est d’offrir un refuge, un espace de sécurité pour ceux qui en ont le plus besoin. Je ne suis pas là pour faire le nid à une voiture, contenant à son bord, des représentants du taux incompressible de la connerie humaine. Je ne supporte plus d’être injustement occupée par ceux qui ne comprennent pas ma valeur, me font sentir triste et sous-estimée.

08-01-2024:

Cher journal,

Une nouvelle journée d’hiver s’est écoulée. C’était calme sur le parking cet après-midi. J’ai donc pris le temps de regarder les rues à proximité. J’ai alors été envahie par un sentiment d’effroi et d’isolement en remarquant des trottoirs en mauvais état, et un passage piétons dangereux à proximité. 

un exemple parmi tant d’autres

Cela me rappelle que l’accessibilité ne s’arrête pas à la limite de ma surface peinte. L’environnement dans lequel je me trouve devrait être un prolongement de l’accessibilité que je propose. Voir ces obstacles supplémentaires pour les personnes en fauteuil roulant (ou des enfants en siège corset) me rend triste et me fait sentir comme une promesse non tenue. 

Sans compter qu’à certains endroits, les gens (qui certes ne se garent pas sur moi) se garent sur les trottoirs, empêchant le passage d’un fauteuil.

Cher journal, j’aspire à un monde où chaque place de stationnement, chaque carte de mobilité inclusion, chaque marquage au sol est respecté et valorisé. 

Je rêve d’un monde où l’accessibilité n’est pas juste une réglementation, mais une norme intégrée dans la conscience collective et avec des moyens financiers derrière.

Où chaque personne, chaque véhicule, chaque établissement recevant du public comprend et honore le rôle vital que nous, les places adaptées, jouons dans la vie des personnes handicapées.


09-01-2024:

Cher journal,

Chaque jour est un nouveau témoignage de la complexité de mon rôle en tant que place de stationnement pour personnes à mobilité réduite. Ce matin, je me suis réveillée, le cœur alourdi par les débris laissés sur moi : des bouteilles en verre cassées et des restes d’emballages de Mac-Do. Cet acte de négligence, au-delà de salir mon espace, représente un danger pour mes utilisateurs, les personnes handicapées, et trahit un manque de respect pour la dignité que je tente de préserver.

Cet après-midi, une scène m’a particulièrement marquée. Un papa déchargeait son enfant porteur de handicap pour l’amener chez le kiné. En même temps, la radio tournait encore. Il écoutait une émission mainstream dans laquelle une élue se félicitait de la mise en place de la Déconjugalisation de l’AAH. Un journaliste plutôt complaisant applaudissait des 4 mains. Le papa avec un sourire marmonna:  “Bravo Madame ******, vous avez fait le plus simple, il ne vous reste plus qu’à vous occuper:

  •  des délais MDPH
  • des places en IME
  •  de rendre l’autodétermination effective dans les faits
  •  du personnel et des libéraux du handicap payés au lance pierre quand il y en a
  • des aidants dévoués mais aussi au passage ceux qui essayent de continuer à travailler à temps partiel
  • de la crise du secteur sanitaire et social
  • du manque de moyens un peu partout et surtout partout (la vocation à un moment ça ne suffit plus)… 

Il termina en disant “il ne suffit pas de voter des lois pour régler les problèmes, encore faut-il mettre des moyens en proportion, conseil d’Etat 1991:  quand la loi bavarde, le citoyen ne l’écoute plus que d’une oreille distraite”. 

10-01-2024

Cher journal,

Scène surréaliste aujourd’hui. Un papa d’un enfant porteur de handicap se gare sur moi. Un homme âgé, virulant, s’est approché de la voiture avec une dextérité surprenante. Il dégaine alors sa carte pmr contre la vitre tel David Caruso des experts Miami. 

Son regard de jugement a persisté, ne se dissipant que lorsqu’il a aperçu l’enfant handicapé à l’arrière du véhicule et tout son matériel (beaucoup de matériel). Bien que son visage se soit adouci, la douleur infligée par cette suspicion injustifiée avait déjà touché le père. 

Ces moments de jugements erronés me blessent profondément, témoignant du besoin criant d’empathie et de compréhension dans notre société.  

Ce qui m’afflige le plus depuis des années, cher journal, c’est le manque flagrant de places de stationnement adaptées comme moi. Sans compter les fois où la mairie (ou la métropole, on ne sait plus trop…)  me condamne pour des manifestations à proximité ou des travaux (avec des rubans jaune digne une nouvelle fois de ceux de David Caruso). Problème, un événement exceptionnel et des travaux c’est cool… mais le handicap c’est tout le temps

11-01-2024

Cher journal,

Je ne suis que du goudron… mais chaque jour, je suis témoin de luttes, de résilience, et parfois de découragement. Si seulement je pouvais parler, je rappellerais aux gens l’importance du respect et de la conscience dans ces petits actes du quotidien. L’importance de chaque place de parking, de chaque carte de mobilité inclusion, de chaque marquage au sol et signalisation, ne doit pas être sous-estimée. Ces éléments ne sont pas de simples commodités, mais des nécessités vitales pour les personnes handicapées.

Mais pour l’instant, je reste ici, un témoin silencieux, nourrissant l’espoir d’un changement, d’une meilleure compréhension et de respect. Avec chaque jour qui passe, je garde l’espoir d’une société plus inclusive et empathique.

Je garde également au fond de moi, dans mon profond goudron, les larmes de désespoir des mères d’enfant porteuses de handicap. Je garde également les gouttes de transpiration (les appareillages ça pèse… le prix augmente mais la technologie stagne…). 


12-01-2024

Cher journal,

Ce matin petit devinette pour détendre l’atmosphère à la façon Père Fouras de Fort Boyard:   

“Dans un royaume de lumière et d’eau,

Où le Rhône et la Saône se donnent rendez-vous,

Un géant administratif, aux terres étendues,

Bien loin de ces citoyens,

Offre une aide précieuse, mais non sans coût caché.

Deux clés il propose, pour ouvrir les portes de l’égalité,

La première sans frais, la seconde à prix doré.

Ces précieux sésames, pour ceux en besoin de soutien,

Révèlent une charge pour un second chemin.

Qui suis-je ?”

Réponse: la deuxième carte cmi payante dans le Rhône (et peut-être ailleurs). 

Normal, c’est bien connu, il n’y a qu’un seul parent qui s’occupe de son enfant porteur de handicap… 


La suite prochainement😉…

Cet article a 3 commentaires

  1. Mancina Françoise

    J’adhère totalement à cette jolie fable dont la morale est toujours la suivante : si tu prends ma place, prends aussi mon handicap!
    J’ai une amie en fauteuil. Si vous saviez le nombre de fois où il faut se bagarrer pour garer sa voiture quand elle vient ici à La Grande Motte !!!
    Courage, les amis, on va y arriver!

    1. Fabien VELTEN

      Bonjour Françoise, merci pour votre commentaire et effectivement, la Grande Motte c’est du sport, surtout avec les racines des arbres qui retournent les pavés un peu partout.

  2. Pépé Guy

    Que tout cela est bien dit et bien pensé. J’admire cette façon de relater ces faits de tous les jours qui reflètent aussi l’égoïsme des personnes non concernées. Bravo et je reste plein d’admiration pour des parents si responsables pour affronter les problèmes quotidiens du handicap.

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